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r. « Comme tu voudras ! dit ma mère irritée ; si tu l’aimes mieux que moi, tant mieux pour toi, puisque tu lui appartiens à présent corps et âme.

— Je lui appartiens de tout mon cœur par la reconnaissance et le dévoûment, répondis-je, mais non pas corps et âme contre vous. Ainsi, il y a une chose certaine, c’est que si elle exige que je me marie, ce ne sera jamais, je le jure, avec un homme qui refuserait de voir et d’honorer ma mère. »

Cette résolution était si forte en moi que ma pauvre mère eût bien dû m’en tenir compte. Moi, brisée désormais à la soumission chrétienne ; moi qui, d’ailleurs, ne me sentais plus l’énergie de résister aux larmes de ma bonne maman, et qui voyais, par momens, s’effacer mon meilleur rêve, celui de la vie monastique, devant la crainte de l’affliger, j’aurais trouvé encore dans mon instinct filial la force que sœur Hélène avait eue pour briser le sien, quand elle avait résisté à son père pour aller à Dieu. Moi, moins sainte et plus humaine, j’aurais, je le crois, passé par-dessus le corps de ma grand’mère pour tendre les bras à ma mère humiliée et outragée.

Mais ma mère ne comprenait déjà plus mon cœur. Il était devenu trop sensible et trop tendre pour sa nature entière et sans nuances. Elle n’eut qu’un sourire d’énergique insouciance pour répondre à mon effusion : « Tiens, tiens ! je crois bien ! dit-elle. Je ne m’inquiète guère de cela.