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de loin la grosse voix de la supérieure qui arrivait avec un bataillon de doyennes. C’était à notre tour d’avoir peur, car la supérieure était aimée, et comme on n’avait voulu que faire semblant de se révolter, il en coûtait d’être grondées et punies comme pour une révolte véritable. Aussitôt on court fermer au verrou les portes de la classe et de l’avant-classe ; on se hâte de ranger tout, on repêche les tabourets et les flambeaux, on rajuste et on rallume les chandelles, puis, quand tout est en ordre, tout le monde se met à genoux et on commence tout haut la prière du soir, tandis qu’une de nous rouvre les portes au moment où la supérieure s’y présente, après quelque hésitation.

La comtesse fut regardée comme une folle et comme une visionnaire, et Marie-Josephe, la servante qui rangeait la classe le matin, et qui était la meilleure du monde, ne se plaignit pas de la fracture de quelques meubles et de quelques chandelles. Elle nous garda le secret, et là finit notre révolution.

Tout allait le mieux du monde, le carnaval arrivait, et nous préparions une soirée de comédie comme jamais nous n’avions encore espéré de la réaliser. Je ne sais plus quelle pièce de Molière ou de Regnard j’avais mise en canevas. Les costumes étaient prêts, les rôles distribués, le violon engagé. Car ce jour-là nous avions un