Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/520

Cette page n’a pas encore été corrigée

suivais les études avec soumission, avec le plus d’attention possible ; mais, en réalité, depuis que j’étais dévote, je ne faisais pas plus de progrès que je n’avais fait de besogne auparavant. Je n’avais pas d’autre but que celui de me soumettre à la règle, et mon mysticisme me commandant d’immoler toutes les vanités du monde, je ne voyais pas qu’une sœur converse eût besoin de savoir jouer du piano, dessiner et de connaître l’histoire. Aussi, après trois années de couvent, en suis-je sortie beaucoup plus ignorante que je n’y étais entrée. J’y avais même perdu ces accès d’amour pour l’étude dont je m’étais senti prise de temps en temps à Nohant. La dévotion m’absorbait bien autrement que n’avait fait la diablerie. Elle usait toute mon intelligence au profit de mon cœur. Quand j’avais pleuré d’adoration pendant une heure à l’église, j’étais brisée pour tout le reste du jour. Cette passion, répandue à flots dans le sanctuaire, ne pouvait plus se rallumer pour rien de terrestre. Il ne me restait ni force, ni élan, ni pénétration pour quoi que ce soit. Je m’abrutissais, Pauline avait bien raison de le dire, mais il me semble pourtant que je grandissais dans un certain sens. J’apprenais à aimer autre chose que moi-même : la dévotion exaltée a ce grand effet sur l’âme qu’elle possède que, du moins, elle y tue l’amour-propre radicalement, et si elle l’hébète à certains égards,