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je suis mon chemin sans trop d’efforts ni de mérite. »

Ainsi raisonnait cette âme profondément humble, ou, si on l’aime mieux, cet esprit parfaitement modeste. Elle était d’autant plus forte qu’elle croyait ne pas l’être.

Quand j’essayais de raisonner avec elle à la manière de la sœur Hélène, elle secouait doucement la tête : « Mon enfant, me disait-elle, si vous cherchez le mérite de la souffrance, vous le trouverez de reste dans le monde. Croyez bien qu’une mère de famille, ne fût-ce que pour mettre ses enfans au monde, a plus de douleur et de travail que nous. Je ne regarde pas la vie claustrale comme un sacrifice comparable à ceux qu’une épouse et une bonne mère doit s’imposer tous les jours. Ne vous tourmentez donc pas l’esprit, et attendez ce que Dieu vous inspirera quand vous serez en âge de choisir. Il sait mieux que vous et moi ce qui vous convient. Si vous désirez de souffrir, soyez tranquille, la vie vous servira à souhait, et peut-être trouverez-vous, si votre ardeur de sacrifice persiste, que c’est dans le monde, et non dans le couvent, qu’il faut aller chercher votre martyre. »

Sa sagesse me pénétrait de respect, et ce fut elle qui me préserva de prononcer ces vœux imprudens que les jeunes filles font quelquefois d’avance dans le secret de leur effusion devant Dieu : sermens terribles qui pèsent