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son fusil : on aurait dit qu’il allait se tuer. Mes frères aînés le suivirent, et quand je fus seule avec les femmes et les enfans, tous se mirent à genoux autour de moi pour me faire renoncer à mon sacrifice. Et moi je riais, et je disais : « Encore, encore ! vous ne me ferez jamais souffrir autant que je le souhaite. »

« Il y avait un petit enfant, l’enfant de ma sœur aînée, un vrai chérubin que j’avais élevé particulièrement, qui était toujours pendu à ma robe, aux champs et dans la maison. On savait que j’étais folle de cet enfant-là. On le mit sur mes genoux, il pleurait et m’embrassait. Je me levai pour le mettre à terre. Je pris mon paquet et marchai vers la porte. L’enfant courut au-devant de moi, et se couchant sur le seuil, il me dit : Puisque tu veux me quitter, tu me marcheras sur le corps. « Je remerciai Dieu de ce qu’il ne m’épargnait rien, et je passai par-dessus l’enfant. Pendant bien longtemps, j’entendis ses cris et les sanglots de ma mère, de mes tantes, de mes sœurs et de tous les petits, qu’on retenait pour les empêcher de courir après moi. Je me retournai et leur montrai le ciel en élevant un bras au-dessus de ma tête. Ma famille n’était pas impie. Il se fit un grand silence. Alors je me remis à marcher, et ne me retournai plus que quand je fus assez loin pour n’être point vue. Je regardai le toit de la maison et la fumée. Je fus forcée de m’asseoir un instant, mais je ne pleurai