Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/469

Cette page n’a pas encore été corrigée

quatre heures, et nous y passions une demi-heure, consacrée pour les pieuses à la méditation, à la prière ou à quelque sainte lecture. Les autres baillaient, sommeillaient, ou chuchotaient quand la maîtresse n’avait pas les yeux sur elles. Par désœuvrement, je pris un livre qu’on m’avait donné et que je n’avais pas encore daigné ouvrir. Les feuillets étaient collés encore par l’enluminage de la tranche ; c’était un abrégé de la Vie des saints. J’ouvris au hazard. Je tombai sur la légende excentrique de saint Simon le Stylite, dont Voltaire s’est beaucoup moqué, et qui ressemble à l’histoire d’un fakir indien plus qu’à celle d’un philosophe chrétien. Cette légende me fit sourire d’abord, puis son étrangeté me surprit, m’intéressa ; je la relus plus attentivement, et j’y trouvai plus de poésie que d’absurdité. Le lendemain, je lus une autre histoire, et le surlendemain j’en dévorai plusieurs avec un vif intérêt. Les miracles me laissaient incrédule, mais la foi, le courage, le stoïcisme des confesseurs et des martyrs m’apparaissaient comme de grandes choses et répondaient à quelque fibre secrète qui commençait à vibrer en moi.

Il y avait au fond du chœur un superbe tableau du Titien que je n’ai jamais pu bien voir. Placé trop loin des regards et dans un coin privé de lumière, comme il était très noir par lui-même, on ne distinguait que des masses d’une couleur chaude sur un fond obscur. Il représentait Jésus