Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/438

Cette page n’a pas encore été corrigée

ui m’a été la plus chère, je parlerai beaucoup d’elle en temps et lieu ; mais, à la phase de mon récit où je me trouve, je n’ai rien à en dire. Je fus longtemps sans faire la moindre attention à elle.

Les deux autres converses faisaient la cuisine. Ainsi, au couvent comme ailleurs, il y avait une aristocratie et une démocratie. Les dames de chœur vivaient en patriciennes. Elles avaient des robes blanches et du linge fin. Les converses travaillaient comme des prolétaires et leur vêtement sombre était plus grossier. C’étaient de vraies femmes du peuple, sans aucune éducation, et beaucoup moins absorbées par l’église et les offices que par les travaux de ce grand ménage. Elles n’étaient pas en nombre pour y suffire, et il y avait en outre deux servantes séculières, Marie-Anne et Marie-Josephe, sa nièce, deux créatures excellentes qui me dédommageaient bien de Rose et de Julie.

En général on était bon comme Dieu dans cette grande famille féminine. Je n’y ai pas rencontré une seule méchante compagne, et parmi les religieuses et les maîtresses, sauf Mlle D……, je n’ai trouvé que tendresse ou tolérance. Comment ne chérirais-je pas le souvenir de ces années, les plus tranquilles, les plus heureuses de ma vie ? J’y ai souffert de moi-même au physique et au moral, mais, en aucun temps et en aucun lieu, je n’ai moins souffert de la part des autres.