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se donnait de grands airs, et je lui conserverai ce surnom. Elle avait dans le jardin un appartement au rez-de-chaussée, dont un potager nous séparait, et, de sa fenêtre, quand elle ne tenait pas la classe, elle pouvait voir une partie de nos escapades. Mais elle était bien plus occupée de voir, de la classe, ce qui se passait dans son appartement. C’est que là, à sa fenêtre, ou devant sa porte, vivait, grattait et piaillait au soleil, l’unique objet de ses amours, un vieux perroquet gris tout râpé, maussade bête, que nous accablions de nos dédains et de nos insultes.

Nous avions grand tort, car Jacquot eût mérité toute notre gratitude ; c’était à lui que nous devions notre liberté. C’était grâce à lui que la Comtesse, incessamment préoccupée, nous laissait faire nos folies. Perché sur son bâton, à la portée de la vue, Jacquot, lorsqu’il s’ennuyait, poussait des cris perçans. Aussitôt la comtesse courait à la fenêtre, et si un chat rôdait autour du perchoir, si Jacquot impatienté avait brisé sa chaîne et entrepris un voyage d’agrément sur les lilas voisins, la comtesse, oubliant tout, se précipitait hors de la classe, franchissait le cloître, traversait le jardin et courait gronder ou caresser la bête adorée. Pendant ce temps, on dansait sur les tables ou on quittait la classe pour faire, comme Jacquot, quelque voyage d’agrément à la cave ou au grenier.

La Comtesse était une jeune personne de