Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/361

Cette page n’a pas encore été corrigée

le bruit et la pétulance de Mary, elles tâchèrent de me mettre en garde contre elle. J’avoue qu’au portrait qu’on m’en fit, j’eus peur aussi. Il y avait des futées qui disaient d’un air mystérieux et qui croyaient fermement que c’était un garçon dont ses parens voulaient absolument faire une fille. Elle cassait tout, elle tourmentait tout le monde, elle était plus forte que le jardinier ; elle ne permettait pas aux laborieuses de travailler ; c’était un fléau, une peste. Malheur à qui oserait lui tenir tête ! « Nous verrons bien, disais-je ; je suis forte aussi, je ne suis pas poltronne, et j’aime bien qu’on me laisse dire et penser à ma guise. » Pourtant je l’attendais avec une sorte d’anxiété. Je n’aurais pas voulu me sentir une ennemie, une antipathie même, parmi mes compagnes. C’était bien assez de la D***, l’ennemie commune.

Mary arriva, et dès le premier regard sa figure sincère me fut sympathique. « C’est bon, me dis-je, nous nous entendrons de reste. » Mais c’était à elle, comme plus ancienne, à me faire les avances. Je l’attendis fort tranquillement.

Elle débuta par des railleries : « Mademoiselle s’appelle Du pain ? some bread ? elle s’appelle Aurore ? rising-sun ? lever du soleil ? les jolis noms ? et la belle figure ! Elle a la tête d’un cheval sur le dos d’une poule. Lever du soleil, je me prosterne devant vous ; je veux être le tournesol qui saluera vos premiers rayons. Il paraît