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douceurs de la maison paternelle. Il semblait qu’elle fût blessée de me voir endurer la punition sans révolte ou sans crainte. « Si c’est pour mon bonheur que je suis ici, pensai-je, je serais ingrate d’y être à contre-cœur. Si c’est pour mon châtiment, eh bien, me voilà châtiée, j’y suis, que veut-on de plus ? que je souffre d’y être ? c’est comme si l’on me battait plus fort parce que je refuse de crier au premier coup. »

Ma grand’mère alla dîner ce jour-là chez mon grand-oncle de Beaumont, et elle lui raconta en pleurant comme quoi je n’avais pas pleuré. « Eh bien donc tant mieux ! fit-il avec son enjoûment philosophique. C’est bien assez triste d’être au couvent, voulez-vous qu’elle le comprenne ? Qu’a-t-elle donc fait de mal pour que vous lui imposiez la réclusion et les larmes par-dessus le marché ? Bonne sœur, je vous l’ai déjà dit, la tendresse maternelle est souvent fort égoïste, et nous eussions été bien malheureux si notre mère eût aimé ses enfans comme vous aimez les vôtres. »

Ma grand’mère fut assez irritée de ce sermon. Elle se retira de bonne heure, et ne vint me voir qu’au bout de huit jours, quoiqu’elle m’eût promis de revenir le surlendemain de mon entrée au couvent. Ma mère, qui vint plus tôt, me raconta ce qui s’était passé, me donnant raison, suivant sa coutume. Ma petite amertume intérieure en augmenta. «