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fou qui cherchait la tendresse. Je la demandais aux bois, aux plantes, au soleil, aux animaux et à je ne sais quel être invisible qui n’existait que dans mes rêves.

Je n’étais plus assez enfant pour espérer de voir apparaître ce génie : cependant, à mesure que je matérialisais pour ainsi dire mon poème, je sentais mon imagination s’exalter singulièrement. J’étais également près de la dévotion et de l’idolâtrie, car mon idéal était aussi bien chrétien que païen, et il vint un moment où, en accourant le matin pour visiter mon temple, j’attachais malgré moi une idée superstitieuse au moindre dérangement. Si un merle avait gratté mon autel, si le pivert avait entaillé mon arbre, si quelque coquille s’était détachée du feston ou quelque fleur de la couronne, je voulais que pendant la nuit, au clair de la lune, les nymphes ou les anges fussent venus danser et folâtrer en l’honneur de mon génie. Chaque jour je renouvelais toutes les fleurs, et je faisais des anciennes couronnes un amas qui jonchait l’autel. Quand, par hasard, la fauvette ou le pinson auquel je donnais la volée, au lieu de fuir effarouché dans le taillis, montait sur l’arbre et s’y reposait un instant, j’étais ravie : il me semblait que mon offrande avait été plus agréable encore que de coutume. J’avais là des rêveries délicieuses, et, tout en cherchant le merveilleux, qui avait pour moi tant d’attrait, je commençais à trouver l’idée