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syllabes comme il s’en forme dans les songes. Mon fantôme s’appelait Corambé, et ce nom lui resta. Il devint le titre de mon roman et le dieu de ma religion.

En commençant à parler de Corambé, je commence à parler, non-seulement de ma vie poétique, que ce type a remplie si longtemps dans le secret de mes rêves, mais encore de ma vie morale, qui ne faisait qu’une avec la première. Corambé n’était pas, à vrai dire, un simple personnage de roman, c’était la forme qu’avait prise et que garda longtemps mon idéal religieux.

De toutes les religions qu’on me faisait passer en revue comme une étude historique pure et simple, sans m’engager à en adopter aucune, il n’y en avait aucune, en effet, qui me satisfît complétement, et toutes m’attiraient par quelque endroit. Jésus-Christ était bien pour moi le type d’une perfection supérieure à toutes les autres ; mais la religion qui me défendait, au nom de Jésus, d’aimer les autres philosophes, les autres dieux, les autres saints de l’antiquité, me gênait et m’étouffait pour ainsi dire. Il me fallait l’Iliade et la Jérusalem dans mes fictions. Corambé se créa tout seul dans mon cerveau. Il était pur et charitable comme Jésus, rayonnant et beau comme Gabriel ; mais il lui fallait un peu de la grâce des nymphes et de la poésie d’Orphée. Il avait donc les formes moins austères que le Dieu des chrétiens, et un sentiment plus spiritualisé que ceux