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mitifs, les adeptes de toutes les sectes enfantées par le christianisme pris au pied de la lettre sont des esprits romanesques, et leur logique est rigoureuse, absolue : je défie qu’on prouve le contraire.

Me voilà donc, enfant rêveur, candide, isolé, abandonné à lui-même, lancé à la recherche d’un idéal, et ne pouvant pas rêver un monde, une humanité idéalisée, sans placer au faîte un Dieu, l’idéal même. Ce grand créateur Jéhovah, cette grande fatalité Jupiter, ne me parlaient pas assez directement. Je voyais bien les rapports de cette puissance suprême avec la nature, je ne la sentais pas assez particulièrement dans l’humanité. Je fis ce que l’humanité avait fait avant moi. Je cherchai un médiateur, un intermédiaire, un Dieu-homme, un divin ami de notre race malheureuse.

Homère et le Tasse, venant couronner la poésie chrétienne et païenne de mes premières lectures, me montraient tant de divinités sublimes ou terribles que je n’avais que l’embarras du choix ; mais cet embarras était grand. On me préparait à la première communion, et je ne comprenais absolument rien au catéchisme. L’Évangile et le drame divin de la vie et de la mort de Jésus m’arrachaient en secret des torrens de larmes. Je m’en cachais bien, j’aurais craint que ma grand’mère ne se moquât de moi. Elle ne l’eût pas fait, j’en suis certaine aujourd’hui, mais cette absence d’intervention dans ma croyance,