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qui me rappelaient mon enfance ; car, encore enfant, j’avais déjà une enfance, un passé derrière moi, des souvenirs, des regrets, une existence accomplie et qui ne devait pas m’être rendue.

La faim me prit. Il n’y avait chez nous ni gâteaux ni confitures, mais le classique pot-au-feu pour toute nourriture : mon goûter passa en un instant de la cheminée sur la table. Avec quel plaisir je retrouvai mon assiette de terre de pipe ! Jamais je ne mangeai de meilleur cœur. J’étais comme un voyageur qui rentre chez lui après de longues tribulations, et qui jouit de tout dans son petit ménage.

Ma grand’mère revint me chercher ; mon cœur se serra, mais je compris que je ne devais pas abuser de sa générosité. Je la suivis en riant avec des yeux pleins de larmes.

Ma mère ne voulut pas abuser non plus de la concession faite, et ne me mena chez elle que les dimanches. C’étaient les jours de congé de Caroline, qui était encore en pension, ou qui, peut-être, commençait à apprendre le métier de graveuse de musique, qu’elle a continué depuis et exercé jusqu’à son mariage avec beaucoup de labeur et quelque petit profit. Ces heureux dimanches, si impatiemment attendus, passaient comme des rêves. À cinq heures, Caroline allait dîner chez ma tante Maréchal ; maman et moi, nous allions retrouver ma grand’mère chez mon grand-oncle de Beaumont. C’était un vieil usage