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t grandement rire nos paysans narquois, et aucun ne se dérangeait ni ne tournait la tête de son côté. « Pardi se disaient-ils les uns aux autres en levant les épaules, nous sommes bien tous des hommes, et nous ne pouvons pas deviner à qui elle en a, la femme ! »

Il a fallu une trentaine d’années pour faire disparaître le dégât causé chez nous par Mme de Béranger et pour refermer les brèches de ses points de vue.

Elle avait une autre manie qui me contrariait encore plus que celle des jardins anglais. Elle se sanglait si fort dans ses corsets, que le soir elle était rouge comme une betterave et que les yeux lui sortaient de la tête. Elle déclara que je me tenais comme une bossue, que j’étais taillée comme un morceau de bois, et qu’il fallait me donner des formes. En conséquence, elle me fit faire bien vite un corset, à moi qui ne connaissais pas cet instrument de torture, et elle me le sangla elle-même si bien que je faillis me trouver mal la première fois.

À peine fus-je hors de sa présence, que je coupai lestement le lacet, moyennant quoi je pus supporter le buse et les baleines ; mais elle s’aperçut bientôt de la supercherie et me sangla encore plus fort. J’entrai en révolte, et, me réfugiant dans la cave, je ne me contentai pas de couper le lacet, je jetai le corset dans une vieille barrique de lie de vin où personne ne s’avisa