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n’eut pas plutôt vu notre vieux jardin régulier qu’elle se mit en tête de le transformer en paysage anglais : c’était une idée saugrenue, car sur un terrain plat, ayant peu de vue, et où les arbres sont très lents à pousser, ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de conserver précieusement ceux qui s’y trouvent, de planter pour l’avenir, de ne point ouvrir de clairières qui vous montrent la pauvreté des lignes environnantes ; c’est surtout, lorsqu’on a la route en face et tout près de la maison, de se renfermer autant que possible derrière des murs ou des charmilles pour être chez soi. Mais nos charmilles faisaient horreur à Mme de Béranger, nos carrés de fleurs et de légumes, qui me paraissaient si beaux et si rians, elle les traitait de jardin de curé. Ma grand’mère, au sortir de la première crise de son mal, avait à peine recouvré la voix et l’ouïe, que son amie lui demanda l’autorisation de mettre la coignée dans le petit bois et la pioche dans les allées. Ma grand’mère n’aimait pas le changement, mais elle avait la tête si faible en ce moment, et d’ailleurs Mme de Béranger exerçait sur elle une telle domination, qu’elle lui donna pleins pouvoirs.

Voilà donc cette bonne dame à l’œuvre : elle mande une vingtaine d’ouvriers, et de sa fenêtre dirige l’abattage, élaguant ici, détruisant là, et cherchant toujours un point de vue qui ne se trouva jamais, parce que, si des fenêtres du premier étage de la maison la campagne est assez