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s régné cette année-là, nos pauvres soldats expiraient-ils de faim sur une grande route ? Voilà ce que j’ai vu et ne puis expliquer. Nous vidâmes le coffre aux provisions, nous leur donnâmes tout ce qu’il y avait dans les deux voitures. Je crois qu’ils nous dirent que les ordres avaient été mal donnés et qu’ils n’avaient pas eu de rations depuis plusieurs jours, mais le détail m’échappe.

Les chevaux manquèrent souvent aux relais de poste, et nous fûmes obligées de coucher dans de très mauvais gîtes. Dans un de ces gîtes, l’hôte vint causer avec nous après dîner. Il était outré contre Napoléon de ce qu’il avait laissé envahir la France. Il disait qu’il fallait faire la guerre de partisans, égorger tous les étrangers, mettre l’empereur à la porte, et proclamer la république : mais la bonne, disait-il, la vraie, l’une et indivisible et impérissable. Cette conclusion ne fut point du goût de Mme de Béranger, elle le traita de jacobin : il le lui fit payer sur sa note.

Enfin, nous arrivâmes à Nohant, mais nous n’y étions pas depuis trois jours qu’un grand chagrin vint donner un autre cours à mes pensées.

Ma grand’mère, qui n’avait jamais été malade de sa vie, fit une maladie grave. Comme son organisation était très particulière, les accidens de cette maladie eurent un caractère particulier. D’abord ce fut un sommeil profond dont il fut