des autres pour de l’argent. Il lui fallait une fonction et non un service domestique. C’était donc une position à lui assurer dans une famille qu’elle aimerait et dont elle serait aimée. Si, par quelque événement imprévu, la nôtre venait à lui manquer, que deviendrait-elle sans profession acquise, et avec l’habitude du bien-être ? Mlle Julie pensait judicieusement que la pauvre enfant serait horriblement malheureuse, et elle insista pour qu’on ne la laissât pas plus longtemps s’accoutumer à ce chez nous dont le souvenir la tourmentait si fort en notre absence. Ma grand’mère céda, et il fut décidé qu’Ursule s’en irait tout à fait au moment où nous repartirions pour Paris, mais que, jusque-là, on ne ferait part de cette résolution ni à elle ni à moi, afin de ne pas troubler notre bonheur présent. C’était, en effet, la fin de mon bonheur qui approchait. En même temps qu’Ursule, je devais bientôt perdre la présence de ma mère et tomber sous le joug et dans la société des femmes de chambre.
Cet été de 1812 fut donc encore sans nuage, Tous les dimanches, les trois sœurs d’Ursule venaient passer la journée avec nous. L’aînée, qu’on appelait de son nom de famille féminisé, selon la coutume du pays, était une bonne personne d’une beauté angélique, à laquelle j’ai conservé une grande sympathie de cœur. Elle nous chantait des rondes,