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bras, et j’y ai couru de grand cœur : on ne boude pas contre soi-même.

Hippolyte ne fit pas long feu dans la pension où Deschartres l’avait installée. Il y trouva des garçons aussi fous et encore plus malins que lui, qui développèrent si bien ses heureuses dispositions pour le tapage et l’indiscipline, que ma grand’mère, voyant qu’il travaillait encore moins qu’à Nohant, le reprit au moment de notre départ.

C’est pendant l’hiver dont je viens de parler que se firent les immenses préparatifs de la campagne de Russie. Dans toutes les maisons où nous allions, nous rencontrions des officiers partant pour l’armée et venant faire leurs adieux à la famille. On n’était pas assuré de pénétrer jusqu’au cœur de la Russie. On était si habitué à vaincre qu’on ne doutait pas d’obtenir satisfaction par des traités glorieux aussitôt qu’on aurait passé la frontière et livré quelques batailles dans les premières marches russes. On se faisait si peu l’idée du climat, que je me souviens d’une vieille dame qui voulait donner toutes ses fourrures à un sien neveu, lieutenant de cavalerie, et cette précaution maternelle le faisait beaucoup rire. Jeune et fier dans son petit dolman pincé et étriqué, il montrait son sabre, et disait que c’était avec cela qu’on se réchauffe à la guerre. La bonne dame lui disait qu’il allait dans un pays toujours couvert de neige. Mais on était