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paire de bottes ; et je vous réponds que je me suis trouvé heureux et fier ! »

C’étaient des bottes à la hussarde, selon la mode d’alors, et on les portait par dessus le pantalon plus ou moins collant. Je les vois encore, car mon frère me les fit tant regarder et tant admirer bon gré mal gré, que j’en fus obsédée jusqu’à en rêver la nuit. Il les mit la veille du départ et ne les quitta plus qu’à Paris, car il se coucha avec. Mais il ne put dormir, tant il craignait, non que ses bottes vinssent à déchirer ses draps de lit, mais que ses draps de lit n’enlevassent le brillant de ses bottes. Il se releva donc sur le minuit, et vint dans ma chambre pour les examiner à la clarté du feu qui brillait encore dans la cheminée. Ma bonne, qui couchait dans un cabinet voisin, voulut le renvoyer. Ce fut impossible. Il me réveilla pour me montrer ses bottes, puis s’assit devant le feu ne voulant point dormir, car c’eût été perdre pour quelques instans le sentiment de son bonheur. Pourtant le sommeil vainquit cette ivresse, et quand ma bonne m’éveilla pour partir, nous vîmes Hippolyte qui s’était laissé glisser par terre et qui dormait sur le carreau, devant la cheminée.

Je vis peut-être un peu moins ma mère à Paris dans l’hiver de 1811 à 1812. On m’habituait peu à peu à me passer d’elle, et, de son côté, sentant qu’elle se devait davantage à