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de la ferme. Mais quelques jours avant de partir, on s’avisa que, pour faire cette partie d’équitation, il lui fallait des bottes, car la culotte courte et les bas blancs de la première communion n’étaient plus de saison.

Une paire de bottes ! c’était depuis longtemps le rêve, l’ambition, l’idéal, le tourment du gros garçon. Il avait essayé de s’en faire avec de vieilles tiges de Deschartres et un grand morceau de cuir qu’il avait trouvé dans la remise, peut-être le tablier de quelque cabriolet réformé. Il avait travaillé quatre jours et quatre nuits, taillant, cousant, faisant tremper son cuir dans l’auge des chevaux pour l’amollir, et il avait réussi à se confectionner des chaussures informes, dignes d’un Esquimau, mais qui crevèrent le premier jour qu’il les mit. Ses vœux furent donc comblés quand le cordonnier lui apporta de véritables bottes, avec fer au talon et courroies pour recevoir des éperons.

Je crois que c’est la plus grande joie que j’aie vu éprouver à un mortel. Le voyage à Paris, le premier déplacement de sa vie ! la course à cheval, l’idée de se séparer bientôt de Deschartres, tout cela n’était rien en comparaison du bonheur d’avoir des bottes. Lui-même met encore cette satisfaction d’enfant, dans ses souvenirs, au-dessus de toutes celles qu’il a goûtées depuis, et il dit souvent : « Les premières amours ? je crois bien ! les miennes ont eu pour objet une