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la réflexion ou la liberté du choix, comment la passion eût-elle pu s’abstraire dans l’action, et l’impartialité dicter des arrêts tranquilles ? Des ames passionnées furent jugées par des ames passionnées, et le genre humain s’écria comme au temps des vieux hussites : « C’est aujourd’hui le temps du deuil, du zèle et de la fureur ».

Quelle foi eût-il donc fallu pour se résoudre joyeusement à être, soit à tort, soit à raison, le martyr du principe ? L’être à tort, par suite d’une de ces fatales méprises que la tourmente rend inévitables, était encore le plus difficile à accepter ; car la foi manquait de lumière suffisante et l’atmosphère sociale était trop troublée pour que le soleil s’y montrât à la conscience individuelle. Toutes les classes de la société étaient pourtant éclairées de ce soleil révolutionnaire jusqu’au jour des états généraux. Marie-Antoinette, la première tête de la contre-révolution de 92, était révolutionnaire dans son intérieur, et pour son profit personnel, en 88, à Trianon, comme Isabelle l’est aujourd’hui sur le trône d’Espagne, comme le serait Victoria d’Angleterre, si elle était forcée de choisir entre l’absolutisme et sa liberté individuelle. La liberté ! tous l’appelaient, tous la voulaient avec passion, avec fureur. Les rois la demandaient pour eux-mêmes aussi bien que le peuple.

Mais vinrent ceux qui la demandaient pour tous, et qui, par suite du choc de tant de