la vie entière d’hommes très forts. Certainement, Saint-Simon procède de lui, Mme Dupin, son élève, et M. Dupin, dans la Critique de l’Esprit des lois, sont ouvertement émancipateurs de la femme. Les divers essais de gouvernement qui se sont produits depuis cent ans, les principaux actes de la diplomatie européenne, et les simulacres de conseils princiers qu’on appelle alliances, ont emprunté aux théories gouvernementales de l’abbé de Saint-Pierre de semblans (menteurs, il est vrai) de sagesse et de moralité. Quant à la philosophie de la paix perpétuelle, elle est dans l’esprit des plus nouvelles écoles philosophiques.
Il serait donc fort ridicule aujourd’hui de trouver l’abbé de Saint-Pierre ridicule, et de parler sans respect de celui que ses détracteurs mêmes appelaient l’homme de bien par excellence.
N’eût-il conservé que ce titre pour tout bagage dans la postérité, c’est quelque chose de plus que celui de plus d’un grand homme de son temps.
Mme Dupin de Chenonceaux aima religieusement cet homme de bien, partagea ses idées, embellit sa vieillesse par des soins touchans, et reçut à Chenonceaux son dernier soupir. J’y ai vu, dans la chambre même où il rendit à Dieu son ame généreuse, un portrait de lui fait peu de temps auparavant. Sa belle figure, à la fois douce et austère, a une certaine ressemblance de type avec celle de François Arago. Mais l’expression