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fils, et se flattait de la recommencer avec moi. Hélas ! cela ne dépendait ni de moi ni d’elle-même. Elle ne tenait pas assez de compte du degré de génération qui nous séparait et de la distance énorme de nos âges. La nature ne se trompe pas, et malgré les bontés infinies, les bienfaits sans bornes de ma grand’mère dans mon éducation, je n’hésite pas à le dire, une aïeule âgée et infirme ne peut pas être une mère, et la gouverne absolue d’un jeune enfant par une vieille femme, est quelque chose qui contrarie la nature à chaque instant. Dieu sait ce qu’il fait en arrêtant à un certain âge la puissance de la maternité. Il faut au petit être qui commence la vie un être jeune et encore dans la plénitude de la vie. La solennité des manières de ma grand’mère me contristait l’âme. Sa chambre, sombre et parfumée, me donnait la migraine et des bâillemens spasmodiques. Elle craignait le chaud, le froid, un vent coulis, un rayon de soleil. Il me semblait qu’elle m’enfermait avec elle dans une grande boîte, quand elle me disait : Amusez-vous tranquillement. Elle me donnait des gravures à regarder, et je ne les voyais pas, j’avais le vertige. Un chien qui aboyait au dehors, un oiseau qui chantait dans le jardin me faisaient tressaillir ; j’aurais voulu être le chien ou l’oiseau. Et, quand j’étais au jardin avec elle, bien qu’elle n’exerçât sur moi aucune contrainte, j’étais enchaînée à ses côtés