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enfant pleureuse et fantasque ; mais le bon cœur de cette fille ne calculait pas, et ses larmes me donnèrent la première notion de l’absence.

Pourquoi pleures-tu ? lui disais-je ; nous nous reverrons bien ! — Oui, me disait-elle ; mais je m’en vas à une grande demi-lieue d’ici, et je ne vous reverrai pas tous les jours.

Cela me fit faire des réflexions, et je commençai à me tourmenter de l’absence de ma mère. Je ne fus pourtant alors que quinze jours séparée d’elle, mais ces quinze jours sont plus distincts dans ma mémoire que les trois années qui venaient de s’écouler, et même peut-être que les trois années qui suivirent, et qu’elle passa encore avec moi. Tant il est vrai que la douleur seule marque dans l’enfance le sentiment de la vie !

Pourtant, il ne se passa rien de remarquable durant ces quinze jours.

Ma grand’mère, s’apercevant de ma mélancolie, s’efforçait de me distraire par le travail. Elle me donnait mes leçons, et se montrait beaucoup plus indulgente que ma mère pour mon écriture et pour la récitation de mes fables. Plus de réprimandes, plus de punitions. Elle en avait toujours été fort sobre, et, voulant se faire aimer, elle me donnait plus d’éloges, d’encouragemens et de bonbons que de coutume.

Tout cela eût dû me sembler fort doux, car ma mère était rigide et sans miséricorde pour mes langueurs et mes distractions. Eh bien, le cœur de l’enfant est un petit monde