Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/623

Cette page n’a pas encore été corrigée

mon imagination trop excitée qu’elle imagina elle-même une création puérile, mais ravissante pour moi, et qui a fait longtemps mes délices. Voici ce que c’était.

Il y a dans notre enclos un petit bois planté de charmilles, d’érables, de frênes, de tilleuls et de lilas. Ma mère choisit un endroit où une allée tournante conduit à une sorte d’impasse. Elle pratiqua, avec l’aide d’Hippolyte, de ma bonne, d’Ursule et de moi, un petit sentier dans le fourré, qui était alors fort épais. Ce sentier fut bordé de violettes, de primevères et de pervenches, qui, depuis ce temps-là, ont tellement prospéré qu’elles ont envahi presque tout le bois. L’impasse devint donc un petit nid où un banc fut établi sous les lilas et les aubépines ; et l’on allait étudier et répéter là ses leçons pendant le beau temps. Ma mère y portait son ouvrage, et nous y portions nos jeux, surtout nos pierres et nos briques pour construire des maisons, et nous donnions à ces édifices, Ursule et moi, des noms pompeux : c’était le château de la Fée, c’était le palais de la Belle au bois dormant, etc. Voyant que nous ne venions pas à bout de réaliser nos rêves dans ces constructions grossières, ma mère quitta un jour son ouvrage et se mit de la partie. Otez-moi, nous dit-elle, vos vilaines pierres à chaux et vos briques cassées ; allez me chercher des pierres bien couvertes de mousse, des cailloux roses, verts, des coquillages,