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en fait un être de convention, et je soutiens qu’en littérature on ne peut faire d’une figure réelle une peinture vraisemblable, sans se jeter dans d’énormes différences et sans dépasser extrêmement, en bien ou en mal, les défauts et les qualités de l’être humain qui a pu servir de premier type à l’imagination. C’est absolument comme le jeu des acteurs, qui ne paraît vrai sur la scène qu’à la condition de dépasser ou d’atténuer beaucoup la réalité. Caricature ou idéalisation, ce n’est plus le modèle primitif, et ce modèle a peu de jugement s’il croit se reconnaître, s’il prend du dépit ou de la vanité en voyant ce que l’art et la fantaisie ont pu faire de lui.

Lavater disait (ce ne sont pas ses expressions, mais c’est sa pensée) : « On oppose à mon système un argument que je nie. On dit qu’un scélérat ressemble parfois à un honnête homme et réciproquement. Je réponds que si on se trompe à cette ressemblance, c’est qu’on ne sait pas observer, c’est qu’on ne sait pas voir. Il peut exister certainement entre l’honnête homme et le scélérat, une ressemblance vulgaire, apparente. Il n’y a peut-être même qu’une petite ligne, un léger pli, un rien qui constitue la dissemblance. Mais ce rien est tout. » Ce que Lavater disait à propos des différences dans la réalité physique, est encore plus vrai quand on l’applique à la vérité relative dans les