Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/60

Cette page n’a pas encore été corrigée

musique. Aurore était d’une beauté angélique, elle avait une intelligence supérieure, une instruction solide, à la hauteur des esprits les plus éclairés de son temps, et cette intelligence fut cultivée et développée encore par le commerce, la conversation et l’entourage de sa mère. Elle avait, en outre, une voix magnifique, et je n’ai jamais connu de meilleure musicienne. On donnait aussi l’opéra-comique chez sa mère. Elle fit Colette dans le Devin du village, Azémia dans les Sauvages, et tous les principaux rôles dans les opéras de Grétry et les pièces de Sedaine.

Je l’ai entendue cent fois dans sa vieillesse chanter des airs des vieux maîtres italiens, dont elle avait fait depuis sa nourriture plus substantielle : Leo, Porpora, Hasse, Pergolèse, etc. Elle avait les mains paralysées et s’accompagnait avec deux ou trois doigts seulement sur un vieux clavecin criard. Sa voix était chevrotante, mais toujours juste et étendue ; la méthode et l’accent ne se perdent pas. Elle lisait toutes les partitions à livre ouvert, et jamais depuis je n’ai entendit mieux chanter ni mieux accompagner. Elle avait cette manière large, cette simplicité carrée, ce goût pur et cette distinction de prononciation qu’on n’a plus, qu’on ne connaît plus aujourd’hui. Dans mon enfance, elle me faisait dire avec elle un petit duetto italien, de je ne sais plus quel maître : Non mi dir, bel idol mio, Non mi dir ch’io son ingrato.