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grenier, manger des haricots ? Cette parole me révolta, et les haricots et le petit grenier me parurent l’idéal du bonheur et de la dignité. Mais j’anticipe un peu. J’avais peut-être déjà sept ou huit ans quand cette question de la richesse me fut ainsi posée. Avant de dire le résultat du combat que ma mère soutenait et se livrait à elle-même à propos de moi, je dois esquisser les deux ou trois années que nous passâmes à Nohant après la mort de mon père. Je ne pourrai pas le faire avec ordre, ce sera un tableau général et un peu confus, comme mes souvenirs.

D’abord, je dois dire comment vivaient ensemble ma mère et ma grand’mère, ces deux femmes aussi différentes par leur organisation qu’elles l’étaient par leur éducation et leurs habitudes. C’était vraiment les deux types extrêmes de notre sexe : l’une, blanche, blonde, grave, calme et digne dans ses manières, une véritable Saxonne de noble race, aux grands airs pleins d’aisance et de bonté protectrice, l’autre, brune, pâle, ardente, gauche et timide devant les gens du beau monde, mais toujours prête à éclater quand l’orage grondait trop fort au dedans, une nature d’Espagnole jalouse, passionnée, colère et faible, méchante et bonne en même temps. Ce n’était pas sans une mortelle répugnance que ces deux êtres, si opposés par nature et par situation, s’étaient acceptés l’un l’autre, et pendant la vie de mon père, elles s’étaient trop disputé