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de deux enfans sur les bras, dans l’état où vous êtes.

Elle m’emporta dans sa chambre, et, sans aucun dégoût de l’état horrible où j’étais, cette excellente femme, si délicate et si recherchée pourtant, me déposa sur son lit. Ce lit et cette chambre, encore frais à cette époque, me firent l’effet d’un paradis. Les murs étaient tendus de toile de perse à grands ramages ; tous les meubles étaient du temps de Louis XV. Le lit, en forme de corbillard, avec de grands panaches aux quatre coins, avait de doubles rideaux et une quantité de lambrequins découpés, d’oreillers et de garnitures dont le luxe et la finesse m’étonnèrent. Je n’osais m’installer dans un si bel endroit, car je me rendais compte du dégoût que je devais inspirer, et j’en avais déjà ressenti l’humiliation. Mais on me la fit vite oublier par les soins et les caresses dont je fus l’objet. La première figure que je vis après celle de ma grand’mère, fut un gros garçon de neuf ans qui entra avec un énorme bouquet de fleurs, et qui vint me le jeter à la figure d’un air amical et enjoué. Ma grand’mère me dit : « C’est Hippolyte, embrassez-vous, mes enfans. » Nous nous embrassâmes sans en demander davantage, et je passai bien des années avec lui, sans savoir qu’il était mon frère : c’était l’enfant de la petite maison.

Mon père le prit par le bras et le conduisit à ma mère, qui l’embrassa, le trouva superbe,