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témoin. Étant un soir à une fenêtre avec ma mère, nous vîmes le ciel encore éclairé par le soleil couchant, traversé de feux croisés, et ma mère me dit : Tiens, regarde, c’est une bataille, et ton père y est peut-être.

Je ne me faisais pas d’idée de ce que c’était qu’une bataille véritable. Ce que je voyais me représentait un immense feu d’artifice, quelque chose de riant et de triomphal, une fête ou un tournoi. Le bruit du canon et les grandes courbes de feu me réjouissaient.

J’assistais à cela comme à un spectacle, en mangeant une pomme verte.

Je ne sais à qui ma mère dit alors : « Que les enfans sont heureux de ne rien comprendre ! » Comme je ne sais pas quelle route les opérations de la guerre nous forcèrent de suivre, je ne saurais dire si cette bataille fut celle de Medina del Rio-Seco, ou un épisode moins important de la belle campagne de Bessières. Mon père, attaché à la personne de Murat, n’avait point affaire sur ce champ de bataille, et il n’est pas probable qu’il y fût. Mais ma mère s’imaginait qu’il pouvait avoir été envoyé en mission.

Que ce fût l’affaire de Rio-Seco ou la prise de Torquemada, il est certain que notre voiture avait été mise en réquisition pour porter des blessés ou des personnes plus précieuses que nous, et que nous fîmes un bout de chemin en charrette avec des bagages, des vivandières et des soldats malades. Il est certain aussi que nous