J’espère que ce sera plus tôt encore que je ne te le dis. Sophie partage vivement mon impatience de t’embrasser. Aurore veut partir à l’instant même, et, s’il était possible, nous serions déjà en route. » Cette lettre si gaie, si pleine de contentement et d’espérance, est la dernière que ma grand’mère ait reçue de son fils. On verra bientôt à quelle épouvantable catastrophe allaient aboutir tous ces projets de bonheur, et combien peu de jours étaient comptés à mon pauvre père pour savourer cette réunion tant rêvée et si chèrement achetée des objets de son affection. On comprendra, par la nature de cette catastrophe, ce qu’il y a de fatal et d’effrayant dans les plaisanteries de cette lettre à propos de l’indomptable Leopardo d’Andalousie.
C’était Ferdinand VII, le prince des Asturies, alors plein de prévenances pour Murat et ses officiers, qui avait fait don de ce terrible cheval à mon père, à la suite d’une mission que celui-ci avait remplie, je crois, près de lui, à Aranjuez. Ce fut un présent funeste et dont ma mère, par une sorte de fatalisme ou de pressentiment, se méfiait et s’effrayait, sans pouvoir décider mon père à s’en défaire au plus vite, bien qu’il avouât que c’était le seul cheval qu’il ne pût monter sans une sorte d’émotion. C’était pour lui une raison de plus pour vouloir s’en