un enfant dans son sein, un autre dans ses bras, n’avait que trop de sujets de crainte.
Elle oublia ses terreurs et ses souffrances en voyant mon père ; et, quant à moi, la fatigue qui m’accablait se dissipa en un instant à l’aspect des magnifiques appartemens où nous venions nous installer.
C’était dans le palais du prince de la Paix, et j’entrais là véritablement en plein dans la réalisation de mes contes de fées.
Murat occupait l’étage inférieur de ce même palais, le plus riche et le plus confortable de Madrid, car il avait protégé les amours de la reine et de son favori, et il y régnait plus de luxe que dans la maison du roi légitime. Notre appartement était situé, je crois, au troisième étage. Il était immense, tout tendu en damas de soie cramoisie ; les corniches, les lits, les fauteuils, les divans, tout était doré et me parut en or massif, toujours comme dans les contes de fées.
Il y avait d’énormes tableaux qui me faisaient un peu peur. Ces grosses têtes, qui semblaient sortir du cadre et me suivre des yeux, me tourmentaient passablement ; mais j’y fus bientôt habituée. Une autre merveille pour moi fut une glace psyché, où je me voyais marcher sur les tapis, et où je ne me reconnus pas d’abord, car je ne m’étais jamais vue ainsi de la tête aux pieds, et je ne me faisais pas une idée de ma taille qui était même, relativement à mon âge,