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que mes contes de fées me parurent plus sérieux que je n’avais peut-être cru jusqu’alors. Je ne me rendis pas du tout compte de cette parole mécanique dont le pauvre oiseau ne comprenait pas le sens.

Puisqu’il parlait, il devait penser et raisonner, selon moi, et j’eus très peur de cette espèce de génie malfaisant qui frappait du bec les barreaux de sa cage, en répétant toujours : Muera, muera ! Mais je fus distraite par un nouvel événement. Une grande voiture, suivie de deux ou trois autres, venait d’entrer dans la cour, et on changeait de chevaux avec une précipitation extraordinaire. Les gens du village essayaient d’entrer dans la cour en criant : La reina, la reina ! Mais l’hôte et d’autres personnes les repoussaient en disant : Non, non, ce n’est pas la reine. On relaya si vite que ma mère, qui était à la fenêtre, n’eut pas le temps de descendre pour s’assurer de ce que c’était, d’ailleurs, on ne laissait pas approcher des voitures.

Les maîtres de l’hôtellerie paraissaient être dans la confidence, car ils assuraient aux gens du dehors que ce n’était pas la reine, et pourtant une femme de la maison me porta tout auprès de la principale voiture en me disant : Voyez la reine ! Ce fut pour moi une assez vive émotion, car il y avait toujours des rois et des reines dans mes romans, et je me représentais des êtres d’une beauté, d’un éclat et d’un luxe extraordinaires.