propre mouvement je ne lisais pas ; j’étais paresseuse par nature et n’ai pu me vaincre qu’avec de grands efforts.
Je ne cherchais donc dans les livres que les images ; mais tout ce que j’apprenais par les yeux et par les oreilles entrait en ébullition dans ma petite tête, et j’y rêvais au point de perdre souvent la notion de la réalité et du milieu où je me trouvais. Comme j’avais eu longtemps la manie de jouer au poêle avec le feu, ma mère, qui n’avait pas de servante, et que je vois toujours occupée à coudre ou à soigner le pot-au-feu, ne pouvait se débarrasser de moi qu’en me retenant souvent dans la prison qu’elle m’avait inventée, à savoir quatre chaises avec une chaufferette sans feu au milieu, pour m’asseoir quand je serais fatiguée, car nous n’avions pas le luxe d’un coussin : c’étaient des chaises garnies en paille, et je m’évertuais à les dégarnir avec mes ongles ; il faut croire qu’on les avait sacrifiées à mon usage. Je me rappelle que j’étais encore si petite que pour me livrer à cet amusement, j’étais obligée de monter sur la chaufferette : alors je pouvais appuyer mes coudes sur l’un des siéges, et je jouais des griffes avec une patience miraculeuse. Mais tout en cédant ainsi au besoin d’occuper mes mains, besoin qui m’est toujours resté, je ne pensais nullement à la paille des chaises. Je composais à haute voix d’interminables contes que ma mère appelait mes romans. Je n’ai aucun souvenir de