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mon esprit s’y ouvrait à un travail soutenu sur lui-même, car il me semble que tous ces objets sont remplis de mes rêveries, et que je les ai usés à force de les voir. J’avais un amusement particulier avant de m’endormir, c’était de promener mes doigts sur le réseau de laiton de la porte de l’alcôve qui se trouvait à côté de mon lit. Le petit son que j’en tirais me paraissait une musique céleste, et j’entendais ma mère dire : « Voilà Aurore qui joue du grillage. » Je reviens à mon Polichinelle, qui reposait sur le poêle, étendu sur le dos et regardant le plafond avec ses yeux vitreux et son méchant rire. Je ne le voyais plus, mais dans mon imagination je le voyais encore, et je m’endormis très préoccupée du genre d’existence de ce vilain être qui riait toujours et qui pouvait me suivre des yeux dans tous les coins de la chambre. La nuit, je fis un rêve épouvantable.

Polichinelle s’était levé : sa bosse de devant, revêtue d’un gilet de paillon rouge, avait pris feu sur le poêle, et il courait partout, poursuivant tantôt moi, tantôt ma poupée qui fuyait éperdue, tandis qu’il nous atteignait par de longs jets de flamme. Je réveillai ma mère par mes cris. Ma sœur, qui dormait près de moi, s’avisa de ce qui me tourmentait et porta le Polichinelle dans la cuisine, en disant que c’était une vilaine poupée pour un enfant de mon âge. Je ne le revis plus, mais l’impression imaginaire que j’avais reçue de la