où je n’étais entrée en rêve que pour en être aussitôt dépossédée. Explique qui pourra les singularités de l’enfance, mais cette loi fut si marquée chez moi, que je n’en ai jamais oublié l’impression mystérieuse. Toutes les fois qu’on me chanta cette ronde, je sentis la même tristesse me gagner, et je ne l’ai jamais entendue chanter depuis, par des enfans, sans me retrouver dans la même disposition de regret et de mélancolie. Je vois toujours ce bois avant qu’on y eût porté la coignée, et, dans la réalité, je n’en ai jamais vu d’aussi beau. Je le vois jonché de ses lauriers fraîchement coupés, et il me semble que j’en veux toujours aux Vandales qui m’en ont bannie pour jamais. Quelle était donc l’idée du poète naïf qui commençait ainsi la plus naïve des danses ?
Je me rappelle aussi la jolie ronde de Giroflé, girofla, que tous les enfans connaissent, et où il est question encore d’un bois mystérieux où l’on va seulette, et où l’on rencontre le Roi, la Reine, le Diable et l’Amour, êtres également fantastiques pour les enfans. Je ne me souviens pas d’avoir eu peur du Diable : je pense que je n’y croyais pas et qu’on m’empêchait d’y croire, car j’avais l’imagination très impressionnable, et je m’effrayais facilement. On me fit présent, une fois, d’un superbe Polichinelle, tout brillant d’or et d’écarlate. J’en eus peur d’abord et surtout à cause de ma poupée, que je chérissais tendrement,