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Le second souvenir que je me retrace de moi-même, et qu’à coup sûr, vu son peu d’importance, personne n’eût songé à me rappeler, c’est la robe et le voile blanc que porta la fille aînée du vitrier, le jour de sa première communion. J’avais alors environ trois ans et demie ; nous étions dans la rue Grange-Batelière, au 3e, et le vitrier qui occupait une boutique en bas, avait plusieurs filles qui venaient jouer avec ma sœur et moi. Je ne sais plus leurs noms et ne me rappelle spécialement que l’aînée dont l’habit blanc me parut la plus belle chose du monde. Je ne pouvais me lasser de l’admirer. Ma mère ayant dit tout d’un coup que son blanc était tout jaune et qu’elle était mal arrangée, cela me fit une peine étrange. Il me semblait qu’on me causait un vif chagrin en me dégoûtant de l’objet de mon admiration.

Je me souviens qu’une autre fois, comme nous dansions une ronde, cette même enfant chanta :

           Nous n’irons plus au bois,
           Les lauriers sont coupés.

Je n’avais jamais été dans les bois, que je sache, et peut-être n’avais-je jamais vu de lauriers. Mais, apparemment, je savais ce que c’était, car ces deux petits vers me firent beaucoup rêver. Je me retirai de la danse pour y penser, et je tombai dans une profonde mélancolie. Je ne voulus faire part à personne de ma préoccupation, mais j’aurais volontiers pleuré, tant je me sentais triste et privée de ce charmant bois de lauriers,