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la divinité ? La parcelle de vie qui l’anime ne vient-elle pas du monde inconnu où elle doit retourner ? Ce développement si rapide de l’ame humaine dans nos premières années, ce passage étrange d’un état qui ressemble au chaos, à un état de compréhension et de sociabilité, ces premières notions du langage, ce travail incompréhensible de l’esprit qui apprend à donner un nom, non pas seulement aux objets extérieurs, mais à l’action, à la pensée, au sentiment ; tout cela tient au miracle de la vie, et je ne sache pas que personne l’ait expliqué. J’ai toujours été émerveillée du premier verbe que j’ai entendu prononcer aux petits enfans. Je comprends que le substantif leur soit enseigné, mais les verbes, et surtout ceux qui expriment les affections ! La première fois qu’un enfant sait dire à sa mère qu’il l’aime, par exemple, n’est-ce pas comme une révélation supérieure qu’il reçoit et qu’il exprime ? Le monde extérieur où flotte cet esprit en travail, ne peut lui avoir donné encore aucune notion distincte des fonctions de l’ame.

Jusque-là, il n’a vécu que par les besoins, et l’éclosion de son intelligence ne s’est faite que par les sens. Il voit, il veut toucher, goûter, et tous ces objets extérieurs dont, pour la plupart, il ignore l’usage, et ne peut comprendre ni la cause ni l’effet, doivent passer d’abord devant lui comme une vision énigmatique. Là commence le travail intérieur. L’imagination se remplit de ces objets ;