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les individus et qui, n’étant complète chez aucun, offre mille inconséquences. Chez moi, comme chez beaucoup d’autres personnes, elle est extraordinairement développée sur certains points, extraordinairement infirme sur certains autres. Je ne me rappelle qu’avec effort les petits événemens de la veille, et la plupart des détails m’échappent même pour toujours. Mais quand je regarde un peu loin derrière moi, mes souvenirs remontent à un âge où la plupart des autres individus ne peuvent rien retrouver dans leur passé. Cela tient-il essentiellement à la nature de cette faculté en moi ou à une certaine précocité dans le sentiment de la vie ?

Peut-être sommes-nous doués tous à peu près également sous ce rapport, et peut-être n’avons-nous la notion nette ou confuse des choses passées qu’en raison du plus ou moins d’émotion qu’elles nous ont causé ? Certaines préoccupations intérieures nous rendent presque indifférens à des faits qui ébranlent le monde autour de nous. Il arrive aussi que nous nous rappelons mal ce que nous avons peu compris. L’oubli n’est peut-être que de l’inintelligence ou de l’inattention.

Quoi qu’il en soit, voici le premier souvenir de ma vie, et il date de loin. J’avais deux ans, une bonne me laissa tomber de ses bras sur l’angle d’une cheminée. J’eus peur et je fus blessée au front. Cette commotion, cet ébranlement