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personne : les saints n’ont gagné le ciel que par l’amour. La peur n’a pas empêché les faibles de rouler dans l’enfer catholique.

En séparant absolument l’ame du corps, l’esprit de la matière, l’Eglise catholique devait méconnaître la puissance de la tentation et décréter qu’elle avait son siége dans l’enfer. Mais si la tentation est en nous-mêmes, si Dieu a permis qu’elle y fût, en traçant la loi qui relie le fils à la mère, ou la fille au père, tous les enfans à l’un ou à l’autre, parfois à l’un autant qu’à l’autre : parfois aussi à l’aïeul, ou à l’oncle, ou au bisaïeul (car tous ces phénomènes de ressemblance, tantôt physique, tantôt morale, tantôt physique et morale à la fois, peuvent se constater chaque jour dans les familles) ; il est certain que la tentation n’est pas un élément maudit d’avance, et qu’elle n’est pas l’influence d’un principe abstrait placé en dehors de nous pour nous éprouver et nous tourmenter.

Jean-Jacques Rousseau pensait que nous étions tous nés bons, éducables, et il supprimait ainsi la fatalité ; mais alors comment expliquait-il la perversité générale qui s’emparait de chaque homme au berceau pour le corrompre et inoculer en lui l’amour du mal ? Lui aussi croyait au libre arbitre pourtant ! Il me semble que quand on admet cette liberté absolue de l’homme, il faut, en voyant le mauvais usage qu’il en fait, arriver absolument à douter de