Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/441

Cette page n’a pas encore été corrigée

me suit partout pour me consoler et me désespérer en même temps. En m’endormant, je te vois ; en m’éveillant, je pense à toi ; mon ame tout entière est près de toi. Tu es mon Dieu, l’ange tutélaire que j’invoque, que j’appelle au milieu de mes fatigues et de mes dangers.

Depuis que je t’ai quittée, je n’ai pas joui d’un seul instant de repos, et je n’ai pas besoin de dire que je n’ai pas goûté un seul instant de bonheur. Aime-moi, aime-moi ! c’est le seul moyen d’adoucir cette rude vie que je mène. Ecris-moi. Je n’ai encore reçu que deux lettres de toi. Je les ai lues cent fois, je les relis encore. Sois toujours la même femme qui m’écrit d’une manière si tendre et si adorable. Que l’absence ne te refroidisse pas. Je crois qu’elle augmente mon amour, s’il est possible. Ne perdons pas l’espoir de nous réunir bientôt. On traite à Posen. Il est très probable que nos succès détermineront les Russes à la paix. Je vais voir tout à l’heure Philippe Ségur et lui remettre le paquet que je te destine, il aura les moyens de te le faire parvenir promptement. Demain nous passons la Vistule. Les Russes sont à dix lieues d’ici, fort interloqués de notre marche et de nos manœuvres. Pour moi, j’en suis à désirer un bon coup de sabre qui m’estropie à tout jamais et me renvoie auprès de toi.

Dans le siècle où nous sommes un militaire ne peut espérer de repos et de bonheur domestique qu’en perdant