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« Depuis trois jours, j’ai fait trente-six lieues avec ma compagnie pour escorter l’empereur. Il est arrivé hier soir à Wurzbourg. Nous sommes cantonnés aux environs. Toute la garde à pied est arrivée.

Chemin faisant, l’empereur m’a fait plusieurs questions sur le régiment, et à la dernière, que le bruit de la voiture m’empêchait d’entendre, et que pourtant il répéta trois fois, je répondis à tout hasard : Oui, Sire. Je le vis sourire, et je juge que j’aurai dit une fière bêtise. S’il pouvait me donner ma retraite comme idiot ou sourd, je m’en consolerais bien en retournant près de toi.

« Adieu, ma jolie femme, ma chère amie, ce que j’aime, ce que je regrette, ce que je désire le plus au monde. Je t’embrasse de toute mon ame. J’aime mon Aurore, nos enfans, ta sœur, tout ce qui est à nous. » De mon père à ma mère. « Le 7 décembre 1806.

« Depuis quinze jours, ma chère femme, je parcours les déserts de la Pologne à cheval, dès cinq heures du matin : et, après avoir marché jusqu’à la nuit, ne trouvant que la barraque enfumée d’un pauvre diable où je puis à peine obtenir une botte de paille pour me reposer.

Aujourd’hui j’arrive dans la capitale de la Pologne, et je puis enfin mettre une lettre à la poste. Je t’aime cent fois plus que la vie. Ton souvenir