Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 1a4 1855 Gerhard.djvu/438

Cette page n’a pas encore été corrigée

assez important pour se croire l’objet d’une inimitié particulière. Je ne sais pas quels sont ces courtisans, cette valetaille militaire, contre laquelle mon père regimbe avec tant d’amertume. Comme il avait le caractère le plus bienveillant et le plus généreux qui se puisse rencontrer, il faut croire qu’il y avait dans ses plaintes quelque chose de fondé.

On sait combien de rivalités et de colères l’empereur eut à contenir durant cette campagne ; quelles fautes commit Murat par audace et par présomption, quelles indignations furent soulevées dans l’ame de Ney à ce propos. Qu’on se reporte à l’histoire, on trouvera sûrement la clé de cette douleur que mon père nourrit sur les champs de bataille, et qui marque un changement bien notable dans les dispositions de ceux qui avaient suivi le premier consul avec tant d’ivresse à Marengo.

Sans doute, elles sont magnifiques ces campagnes de l’Empire, et nos soldats y sont des héros de cent coudées. Napoléon y est le plus grand général de l’univers. Mais comme l’esprit de cour a déjà défloré les jeunes enthousiasmes de la République ! À Marengo, mon père écrivait en post-scriptum à sa mère ! « Ah ! mon Dieu ! j’allais oublier de te dire que je suis nommé lieutenant sur le champ de bataille. » Preuve qu’il n’avait guère pensé à sa fortune personnelle en combattant avec l’ivresse de la cause. À Vienne, il écrit à sa femme pour