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vins au monde ! Le beau sujet de jalousie ! Je raconte cette folie à tous mes amis.

« J’ai vu ce matin Billette. Sa vue, qui me rappelait la rue Meslée, m’a causé une joie infinie. Je l’ai embrassé comme mon meilleur ami, parce que je pouvais lui parler de toi, et qu’il pouvait me répondre.

Quoiqu’il n’ait pas de nouvelles directes à me donner de ta santé, je l’ai questionné jusqu’à l’ennuyer.

« On parle de nous renvoyer bientôt en France, car la guerre finit ici faute de combattans. Les Autrichiens n’osent plus se mesurer avec nous, ils sont terrifiés. Les Russes sont en pleine déroute. On nous regarde ici avec stupéfaction. Les habitans de Vienne peuvent à peine croire à notre présence.

« D’ailleurs cette ville est assez insipide. Depuis vingt-quatre heures que j’y suis, je m’y ennuie comme dans une prison. Les gens riches se sont enfuis, les bourgeois tremblent et se cachent, le peuple est frappé de stupeur. On dit que nous repartirons dans trois ou quatre jours pour marcher sur la Hongrie, faire mettre bas les armes aux débris de l’armée autrichienne, et hâter par là la conclusion de la paix.

« Sois toujours maussade en mon absence ; oui, chère femme, c’est ainsi que je t’aime. Que personne ne te voie ; ne songe qu’à soigner notre fille, et je serai heureux autant que je puis l’être loin de toi.