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Son attitude était si réservée qu’elle semblait timide ; mais si on essayait de l’encourager par des airs protecteurs, elle devenait plus que réservée, elle se montrait froide et taciturne.

Son maintien était excellent avec les personnes qui lui inspiraient un respect fondé, elle était alors prévenante et charmante ; mais son véritable naturel était enjoué, taquin, actif, et par dessus tout ennemi de la contrainte. Les grands dîners, les longues soirées, les visites banales, le bal même lui étaient odieux. C’était la femme du coin du feu ou de la promenade rapide et folâtre ; mais dans son intérieur comme dans ses courses, il lui fallait l’intimité, la confiance, des relations d’une sincérité complète, la liberté absolue de ses habitudes et de l’emploi de son temps. Elle vécut donc toujours retirée, et plus soigneuse de s’abstenir de connaissances gênantes que jalouse d’en faire d’avantageuses. C’était bien là le fond du caractère de mon père, et, sous ce rapport, jamais époux ne furent mieux assortis. Ils ne se trouvaient heureux que dans leur petit ménage. Partout ailleurs ils étouffaient de mélancoliques bâillemens, et ils m’ont légué cette secrète sauvagerie qui m’a rendu toujours le monde insupportable et le home nécessaire.

Toutes les démarches que mon père avait faites avec beaucoup de tiédeur, il faut l’avouer, n’aboutirent à rien. Il avait eu mille fois raison de le dire : il n’était pas fait pour gagner ses éperons