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aussi, car, sans cela, ma grand’mère ne se fût peut-être pas occupée de moi avec autant d’amour qu’elle le fit plus tard, et j’eusse été privée d’un petit fonds d’idées et de connaissances qui a fait ma consolation dans les ennuis de ma vie.

J’étais fortement constituée, et, durant toute mon enfance, j’annonçai devoir être fort belle, promesse que je n’ai point tenue. Il y eut peut-être de ma faute, car, à l’âge où la beauté fleurit, je passais déjà les nuits à lire et à écrire. Etant fille de deux êtres d’une beauté parfaite, j’aurais dû ne pas dégénérer, et ma pauvre mère qui estimait la beauté plus que tout, m’en faisait souvent de naïfs reproches. Pour moi, je ne pus jamais m’astreindre à soigner ma personne. Autant j’aime l’extrême propreté, autant les recherches de la mollesse m’ont toujours paru insupportables. Se priver de travail pour avoir l’œil frais, ne pas courir au soleil, quand ce beau soleil de Dieu vous attire irrésistiblement ; ne point marcher dans de bons gros sabots, de peur de se déformer le coup de pied ; porter des gants, c’est-à-dire renoncer à l’adresse et à la force de ses mains, se condamner à une éternelle gaucherie, à une éternelle débilité, ne jamais se fatiguer, quand tout nous commande de ne point nous épargner, vivre enfin sous une cloche pour n’être ni hâlée, ni gercée, ni flétrie avant l’âge, voilà ce qu’il me fut toujours impossible d’observer. Ma grand’mère renchérissait encore sur