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jura de l’aimer autant que celui qui allait naître, et prépara son départ pour Nohant, où il voulait aller passer huit jours, avec l’espérance de pouvoir tout avouer et tout faire accepter.

Mais ce fut une vaine espérance. Il parla d’abord de la grossesse de Sophie, et, tout en caressant mon frère Hippolyte, l’enfant de la petite maison, il fit allusion à la douleur qu’il avait éprouvée en apprenant la naissance de cet enfant, dont la mère lui était devenue forcément étrangère. Il parla du devoir que l’amour exclusif d’une femme impose après des preuves d’un immense dévoûment de sa part. Dès les premiers mots, ma grand’mère fondit en larmes, et, sans rien écouter, sans rien discuter, elle se servit de son argument accoutumé, argument d’une tendre perfidie et d’une touchante personnalité. « Tu aimes une femme plus que moi, lui dit-elle, donc tu ne m’aimes plus !

Où sont les jours de Passy, où sont tes sentimens exclusifs pour ta mère ? Que je regrette ce temps où tu m’écrivais : Quand tu me seras rendue, je ne te quitterai plus d’un jour, plus d’une heure ! Que ne suis-je morte, comme tant d’autres, en 93 ! tu m’aurais conservée dans ton cœur telle que j’y étais alors, je n’y aurais jamais eu de rivale ! » Que répondre à un amour si passionné ? Maurice pleura, ne répondit rien et renferma son secret.