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M. Deschartres. « Charleville, 8 thermidor an X.

« Vous êtes bien aimable, mon ami, de vous donner tant de peines pour mes affaires. Croyez que je sens vivement le prix d’un ami tel que vous : vous mettez à tout ce qui me regarde un zèle que je ne puis trop reconnaître ; mais laissez-moi vous dire, sans circonlocution, qu’à certains égards ce zèle va trop loin ; non que je veuille vous dénier le droit de vous occuper de ma conduite, comme vous vous occupez de mes affaires et de ma santé : ce droit est celui de l’affection, et je saurai le subir quand même il me blesserait ; je crois vous l’avoir prouvé déjà en des circonstances délicates ; mais l’ardeur de ce zèle vous fait voir en noir et prendre au tragique des choses qui ne le sont pas. C’est donc voir faux, et l’amitié que je vous porte ne m’oblige pas à me tromper avec vous.

« Quand, par exemple, vous me pronostiquez qu’à trente ans, j’aurai les infirmités de la vieillesse, et que, par là, je deviendrai inhabile aux grandes choses, et tout cela, parce qu’à vingt-quatre ans j’ai une maîtresse, vous ne m’effrayez pas beaucoup. En outre, vous jouez de malheur dans votre raisonnement quand vous me proposez l’exemple de mon grand-père le maréchal, qui fut précisément d’une galanterie dont je n’approche pas, et qui n’en gagna pas moins la bataille