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catéchisme à de pauvres enfans. Quelques années après son mariage, elle écrivait des lettres dont ma grand’mère elle-même admirait la spontanéité, la grâce et l’esprit. Mais, à l’époque que je raconte, il fallait les yeux d’un amant pour déchiffrer ce petit grimoire et comprendre ces élans d’un sentiment passionné qui ne pouvait trouver de forme pour s’exprimer.

Il comprit pourtant que Victoire était désespérée, qu’elle se croyait méconnue, trahie, oubliée. Il reparla alors du voyage de Courcelles.

Ce furent de nouvelles craintes, de nouveaux pleurs. Il partit cependant, et le 28 prairial il écrivait de Courcelles : LETTRE XXI.

« Courcelles, le 28 prairial (juin 1801).

« Je suis arrivé ici hier soir, ma bonne mère, après avoir voyagé assez durement par la patache, mais, en revanche, très rapidement. J’ai fait là un voyage fort triste. Ta douleur, tes larmes me poursuivaient comme un remords, et pourtant mon cœur me disait que je n’étais pas coupable ; car tout ce que tu me demandes est de t’aimer, et je sens bien que je t’aime. Tes larmes ! est-il possible que je t’en fasse verser, moi qui voudrais tant te voir heureuse ! Mais aussi, pourquoi donc t’affliger ainsi ? C’est inconcevable, et je m’y perds. Cette jeune femme n’a jamais pensé que je l’épouserais, puisque je n’y ai jamais pensé moi-même, et ce qu’elle a